dialogue

Dialoguer pour mieux co-construire

Jean Kaspar, gérant de JK Consultant, s’est spécialisé dans le conseil en stratégie sociale. Fort de son expérience dans le domaine, notamment en tant que secrétaire général de la CFDT, il nous parle aujourd’hui de co-construction, et notamment de l’importance du dialogue.

 

Qu’est ce qui pourrait aujourd’hui justifier le besoin de dialogue et d’intelligence collective dans l’entreprise ?

L’objectif actuel des entreprises est clair : replacer l’humain au centre des organisations. Or, cela doit nous amener à redéfinir ce qu’est l’entreprise. Dans nos cultures dominantes, quelles que soient les fonctions exercées, l’entreprise est un lieu de production d’un bien ou d’un service, un lieu de production de richesses. Cette définition n’est plus à la hauteur des enjeux contemporains.

 

Il faudrait prendre conscience que « l’entreprise est d’abord une communauté d’hommes et de femmes qui mettent en commun leur intelligence et leur potentiel pour produire un bien ou un service, pour produire de la richesse ». À partir de là, tout change. L’humain devient un élément de la stratégie avec toutes les conséquences que cela peut avoir. Parmi ces conséquences, le besoin d’un dialogue social plus global et stratégique dans l’entreprise, qui fait intervenir non pas simplement les acteurs traditionnels du dialogue social (les organisations syndicales, les instances représentatives du personnel, les directions), mais tous les acteurs de l’entreprise et en particulier l’encadrement et les salariés.

 

Si ce troisième millénaire veut marquer l’histoire de l’humanité, cela impliquera nécessairement de mettre en oeuvre des stratégies de coopération, et cela pour deux raisons tout à fait essentielles : 

  • La première raison est la complexité à laquelle les entreprises sont de plus en plus confrontées, et que celle-ci ne peut se gérer que par la coopération entre toutes les formes d’intelligence.
  • La deuxième est la rapidité des transformations qui s’opèrent : transformations sociologiques, culturelles, économiques et technologiques … Et ces transformations ont trop souvent été opposées, au lieu de les conjuguer et de les articuler.

Le dialogue est devenu une clé pour les entreprises. Dès lors, comment peut-on donc le favoriser dans de grandes organisations ?

Il faut partir du principe que l’intelligence et la créativité sont partout. Elles ne sont pas réservées à une caste, ou à des spécialistes. Elles existent partout. Encore faut-il les libérer. Et pour libérer cette intelligence et cette créativité, il faut fondamentalement passer par la libération de la parole.

C’est-à-dire que si la parole n’est pas libérée dans l’entreprise à tous les niveaux, aussi bien au niveau des salariés que de l’encadrement, l’intelligence ne se libère pas. Un exemple qui illustre bien ce besoin : alors en charge de la commission du Grand Dialogue de la Poste, j’ai été amené à rencontrer plus de 500 salariés, tous niveaux confondus. Pendant ces entretiens, j’ai été surpris du nombre de fois où on me demandait « Monsieur Kaspar, est-ce que vous me garantissez que ce que je vais vous dire restera entre nous ? ».

 

Quand le salarié a peur de dire les choses à son supérieur hiérarchique, il ne faut pas s’étonner que l’intelligence ne se libère pas. Cela implique bien sûr de trouver les moyens de faire s’exprimer les salariés sur l’organisation du travail, de réfléchir au temps de travail, à la qualité de vie au travail, etc …

 

Une deuxième condition absolument nécessaire au dialogue dans l’entreprise, après la libération de la parole, est le droit à l’expérimentation et ce qui va avec : le droit à l’erreur. Une fois la parole libérée, il ne faut pas avoir peur d’expérimenter les idées qui émergent, dans un service ou un secteur pour commencer à les appliquer, et pour, ensuite, les étendre et les généraliser.

 

Bien sûr, cela nécessite aussi de la bienveillance. Il faut libérer la parole, se donner le droit à l’expérimentation, et s’inscrire dans une dynamique bienveillante.

 

À partir de votre expérience de la Commission du Grand Dialogue au sein de la Poste, pourriez-vous nous en dire davantage sur la façon dont la reprise du dialogue a permis de trouver une solution ?

En effet, j’ai animé sous la proposition de M. Bailly, alors président de la Poste, la commission du Grand Dialogue. La Poste, comme toutes les entreprises aujourd’hui, était confrontée à la nécessaire refondation des pratiques économiques, des pratiques sociales et des pratiques managériales. De plus, tout cela s’inscrivait dans un contexte marqué par des suicides sur le lieu de travail avec deux attitudes marquées et opposées face à ce problème. Certains s’inscrivaient dans un total déni, c’est-à-dire un refus de voir une part de responsabilité de l’entreprise.

 

Pour d’autres, ce problème était l’exclusive responsabilité de l’entreprise : de l’organisation du travail, du management, de la charge de travail ... La première action que nous avons menée fut un débat sur ce qu’était le suicide.

Nous voulions faire accepter l’idée que pour résoudre les problèmes, il fallait accepter qu’il n’y ait pas de sujets tabous.

 

Une société responsable doit considérer qu’il n’y a pas de sujets tabous. Tous les sujets doivent être traités, même s’ils sont difficiles. Le suicide est en réalité une alchimie complexe qui fait intervenir de multiples facteurs, sur le

rapport qu’on entretient au monde, le rapport au travail, le rapport aux sentiments, le rapport à la santé, le rapport à la société. Forcément, il n’était pas possible de nier que La Poste avait une part de responsabilité mais ce n’était pas la seule cause : il y a d’autres facteurs.

 

Ce débat nous a permis de dépasser la question du suicide, pour prendre ensuite conscience de la nécessité de traiter les conditions de la transformation de l’entreprise. Les attentes des salariés sont alors plus élevées (qualité de vie au travail, besoin de reconnaissance, autonomie, respect, espaces de liberté), et la question essentielle de la conduite des transformations devient une excellente base pour la suite du travail.

 

Pour finir sur une note plus personnelle, qu’est ce qui, dans votre parcours, vous a toujours porté et inspiré ?

Le fait d’oser le pari de l’intelligence et de la confiance. Il y a toujours une part de risque.

 

Mais si on n’ose pas faire ce pari, si d’entrée de jeu, l’individu a des préjugés par rapport à son interlocuteur, pour n’importe quelle raison, il est impossible de progresser. Ce pari est donc fondamental : chaque individu a une capacité d’intelligence et de confiance. Il suffit juste de la gagner.

 

Je suis convaincu qu’il n’y a rien de plus riche que l’humain, et cet adage me permet de voir d’abord le positif chez les autres, et de faire ce pari de la confiance.

 

Une autre chose qui, je pense, me caractérise et m’inspire, est le fait d’être un marcheur (sans la connotation politique que le terme peut avoir aujourd’hui). En marchant, le paysage change et le temps change aussi, on traverse des moments de beau temps comme des moments de tempête, et marcher est un peu une adaptation permanente à tout cela. Cela nous permet de saisir des opportunités qui ne se seraient pas présentées en restant immobile. La marche s’oppose à la pensée figée.

 

Tout cela m’est venu notamment en lisant Teilhard de Chardin, qui a construit une pensée qui disait que tout est évolution, tout est transformation, rien n’est achevé. Quand on a compris que la leçon fondamentale de la vie est le mouvement, alors on a compris l’essentiel.

A lire également

qui-sommes-nous

Qui sommes-nous ?

EQIOM est une filiale de CRH, leader mondial des matériaux de construction.
Nos produits et solutions couvrent l’ensemble des besoins des clients du Bâtiment et des Travaux Publics :
entreprises générales, industriels du béton prêt à l’emploi, pré-fabricants, négociants en matériaux et applicateurs.

À propos d'EQIOM