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Ethique et bienveillance en entreprise, une mode de plus ?

Face à l’évolution des aspirations et des enjeux de société, les chercheurs en sociologie étudient constamment les nouvelles pratiques, et ce notamment dans le monde de l’entreprise. Guillaume MERCIER, professeur d’éthique et de stratégie à l’IÉSEG School of Management (Lille), nous parle d’éthique et de transparence, et plus particulièrement de l’éthique des affaires, ainsi que de la pratique des vertus en entreprise. Une rencontre passionnante au coeur de la pratique de la bienveillance et de l’éthique en entreprise.

 

En ce moment, on entend beaucoup parler d’éthique, de transparence, de bienveillance comme nouvel eldorado des entreprises : est-ce une mode ? Un vrai besoin ? Un véritable apport ?

Il y a en effet un vrai engouement médiatique autour de ces sujets et je pense qu’il y a des raisons profondes, un contexte. En effet, depuis le scandale Enron (2001, le plus grand scandale financier de tous les temps), la crise des subprimes (2008), on a vu des entreprises avec des comportements plus que répréhensibles et des banques qui ont bien failli détruire l’économie mondiale. Tout le monde a pris conscience que le manque d’éthique dans les affaires pouvait être redoutable et avoir des répercussions allant bien au-delà des limites de l’entreprise. 

 

Mais cet engouement autour de l’éthique vient surtout de la génération de ceux qui ont aujourd’hui 20-30 ans. Avec la crise économique, ils ont vu leurs parents se faire licencier du jour au lendemain après 30 ans dans une même entreprise sous prétexte qu’ils sont devenus trop chers. 

 

Ils ont également assisté à la recherche de pouvoir et de réussite sociale des quadragénaires et quinquagénaires actuels mais dont la situation peut basculer du jour au lendemain. Ils perçoivent le monde de l’entreprise comme un monde douloureux et réagissent de manières très contrastées.

 

Une partie a une réponse très cynique et prend une posture de mercenaire de l’entreprise : je pars du principe que l’entreprise ne pourra me donner ce à quoi j’aspire en termes de sens donc je n’attends que ce qu’elle peut me donner : un salaire. Et je change d’entreprise dès que je trouve un plus offrant. 

 

Une autre partie veut que l’entreprise change et veut être heureux dans sa vie professionnelle. Ils recherchent un cadre de travail agréable, des missions intéressantes, de bonnes relations avec leurs collègues, des valeurs partagées avec l’entreprise et le pouvoir d’être eux-mêmes. Cette démarche qui, à première vue, peut paraître très égocentrique amène finalement de l’altruisme car elle oblige l’entreprise à être plus éthique et plus transparente si elle veut attirer ou fidéliser cette nouvelle génération. Sans parler de la diminution des risques psycho-sociaux, de l’absentéisme…

 

Vous êtes donc en train de nous dire qu’une entreprise peut être éthique et transparente par altruisme mais également par recherche de la performance ?

C’est en effet plus noble d’avoir cette démarche par vraie attention aux autres. Mais si cela est fait dans un souci de performances, cela constitue du moins un premier pas, qui installe dans l’entreprise des « moeurs » bienveillantes, et si au final les salariés se sentent mieux, sont de meilleures personnes et sont plus eux-mêmes, c’est acceptable. De toute façon, personne n’est jamais purement altruiste ou purement égoïste mais toujours un mélange des deux.

Au sein d’une même entreprise, on sait que la bienveillance doit être présentée comme un levier de performance à certains, et comme une démarche éthique à d’autres. Ce qui importe, c’est qu’aujourd’hui tout le monde est d’accord pour dire que c’est un sujet majeur pour les entreprises et qu’un manque d’éthique peut être très préjudiciable à une entreprise. Quand éthique et business sont liés, c’est tout de suite plus simple d’être éthique.

Depuis le début de cet entretien, nous parlons d’éthique, mais c’est quoi exactement l’éthique en entreprise, l’éthique des affaires ? Et comment peut-on dire qu’une entreprise est transparente ou non ?

Je dirais que l’éthique consiste à définir quel est mon bien, quelles sont mes valeurs, et à essayer d’agir en conséquence. Il n’y a malheureusement (ou heureusement) pas de définition exacte de ce qui est bien ou de ce qui doit être fait. Dans le domaine de l’éthique, il y a une zone grise qui ne permet pas de donner une réponse définitive à toutes les questions et à tous les cas rencontrés dans l’entreprise. Sur le sujet de la transparence, sans tout de suite passer à l’échelle globale de l’entreprise, arrêtons-nous au manager. Est-ce une vertu managériale d’être transparent ?

 

En effet, sous certains aspects, la transparence est une vertu mais qui peut par exemple se heurter au secret professionnel. Un manager peut se voir confier des secrets par l’entreprise qu’il pourrait être préjudiciable de révéler (invention pouvant être brevetée mais aussi données personnelles de certains salariés).

 

Cela demande donc au manager un vrai discernement, une vraie conscience éthique de savoir dire dans ce cas, je serai un bon manager en ne disant pas la vérité et dans ce cas-là, je serai un bon manager de dire la vérité. On fait appel à la sagesse éthique du manager qui doit être suffisamment éduqué, mûr à l’éthique pour savoir ce qui est bon pour lui en tant que personne humaine et manager, et pour les autres autour de lui, pour leur développement, pour qu’ils soient plus humains, pour qu’ils soient de meilleurs professionnels.

 

On peut aussi aborder le sujet d’une autre manière assez parlante : certains considèrent qu’il y a forcément une part de bluff dans le business. On n’ira jamais dire à un joueur de poker que ce n’est pas éthique de bluffer. Mais est-ce que ce n’est pas aussi le cas du domaine des affaires ? Et dans ce cas non plus il n’y a pas de réponse précise : on doit faire appel à la sagesse éthique, à l’éducation de chacun. Comment est-ce que je vois la vie professionnelle, quelle est sa finalité, qu’est-ce que j’en attends ?

 

Estimez-vous que l’entreprise ait un rôle dans cette éducation à l’éthique ? D’autant plus qu’il n’y a pas de cours d’éthique à l’école.

Tout d’abord, l’éthique devrait beaucoup plus être intégrée dans les formations (NDLR : au sein de l’IÉSEG School of Management, il existe un parcours d’éthique tout au long de la scolarité, fait de cours, d’engagements associatifs et de projets de conseil à des entreprises) et l’entreprise a une très grande responsabilité en matière d’éducation : il a été démontré que, quelles que soient les valeurs d’un collaborateur quand il intègre une entreprise, la manière dont il va agir va principalement dépendre des valeurs de l’entreprise.

 

Ce qui influence le plus notre manière d’agir, ce sont les facteurs contextuels. Ainsi, si une entreprise recherche un comportement éthique de la part de ses salariés, elle doit les faire évoluer dans un contexte éthique, c’est-à-dire une culture d’entreprise éthique avec des valeurs qui peuvent être perçues par tous les collaborateurs. Ce n’est donc pas que ce qu’on affiche sur les murs ou sur son site internet (même si cela a son importance) mais surtout le comportement des dirigeants. Les dirigeants doivent agir selon des valeurs mais également faire diffuser ces valeurs et cette posture dans les différents niveaux de l’entreprise et jusque sur le terrain.

 

On peut aussi mettre en place des outils comme des formations, des séminaires. Et je crois aussi beaucoup à l’accueil, l’accompagnement par des collaborateurs plus expérimentés, plus éduqués qui vont ainsi former les nouveaux entrants à plus d’éthique, de transparence et d’attention aux autres.

 

On comprend donc qu’en matière d’éthique et de transparence, la posture de la direction est primordiale.

Tout à fait. Il ne faut jamais oublier que le poisson pourrit par la tête. C’est le dirigeant qui instille les valeurs de l’entreprise et cette attention à l’éthique. Si le patron ne pense qu’au profit et à la performance et ne fait que de l’éthique d’affichage, cela ne prendra jamais vraiment.

 

Il faut que le dirigeant se demande très honnêtement « est-ce que j’ai envie que mon entreprise soit honnête, est-ce que j’ai envie que mon entreprise soit transparente, est-ce que j’ai envie de m’y engager, pas juste comme une velléité ? ». Car il faut être conscient qu’une telle démarche est coûteuse en argent (formations, coachings, séminaires, réunions …) mais aussi en temps, ce qui est encore plus coûteux aux yeux d’un dirigeant : est-ce que j’ai envie d’y mettre du temps et de faire des efforts sur moi ? Est-ce que quand quelque chose ne va pas dans l’entreprise, j’ai envie d’en entendre parler ? Vais-je réussir à me mettre dans une posture grâce à laquelle les gens oseront venir me dire ces choses ? Suis-je capable de féliciter quelqu’un qui va me dire une vérité qui dérange ? Et dans les cas les plus extrêmes, serai-je capable de révéler et d’assumer les erreurs de l’entreprise vis-àvis de l’extérieur ?

 

Par exemple, en 2013, la société Findus a envoyé un message fort à l’extérieur de l’entreprise mais aussi à ses salariés en révélant la présence de viande de cheval dans ses lasagnes. L’entreprise a ainsi affirmé que pour elle la transparence est importante même si au premier abord on peut avoir l’impression qu’elle s’est tirée une balle dans le pied. La transparence devient alors une des valeurs centrales de l’entreprise que chacun éprouve véritablement au jour le jour dans sa vie professionnelle.

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